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Éléments historiques et acquis

 

La légalisation de la pratique des sages-femmes fait suite aux demandes répétées des femmes qui voulaient accoucher et non se faire accoucher. Au Québec, il a fallu que cette pratique millénaire soit expérimentée puis évaluée pour enfin être reconnue comme bénéfique pour la santé des mères et des bébés. Dans un contexte où les soins entourant la grossesse et l’accouchement sont médicalisés à outrance, la pratique des sages-femmes est un moyen privilégié pour soutenir les femmes et leurs familles afin qu’elles puissent mettre leur enfant au monde dans le respect de leur autonomie et des processus physiologiques.

« Depuis le début des années 1900, le mouvement des femmes québécois a commencé à s’organiser et à revendiquer sur plusieurs fronts la reconnaissance des droits des femmes, l’amélioration de leurs conditions de vie ainsi que l’amélioration de leur autonomie. Parmi les luttes les plus importantes menées par ce mouvement, on trouve celles concernant l’obtention du droit de vote, le respect des droits des femmes en matière de vie conjugale, d’avortement et de contraception, ainsi que celles liées à l’humanisation des naissances et à la réappropriation du pouvoir des femmes sur leur corps et leur santé. Ces luttes ont connu de nombreux succès, mais ont également, pour la plupart, nécessité de longues années de lutte et de persévérance. 

Marie-Ève Giroux, Centre de recherche sur les innovations sociales, UQAM

La lutte pour la reconnaissance des sages-femmes au Québec (1975-1999)

 

Les revendications des femmes en ce qui concerne leur corps ne sont donc pas récentes. Elles ont souvent été liées au droit à l’avortement, une lutte de laquelle on peut tirer leçon et inspiration.  Même dans la lutte pour le droit de vote, les droits sur notre corps ont déjà été cités.

 

En 1913, dans le cadre des revendications des femmes pour le droit de vote, la féministe américaine Emma Goldman affirmait sa vision sur le réel pouvoir des femmes d’accéder à l’émancipation :

« Notre fétiche du jour, c’est le suffrage universel. […] En fait, chaque pouce de terrain gagné l’a été par la lutte constante, par une incessante auto-affirmation, et non par le suffrage. […] Son développement, sa liberté et son indépendance doivent venir d’elle et advenir par elle. D’abord en s’affirmant en tant que personne. Puis en refusant à quiconque tout droit sur son corps, en refusant d’enfanter si tel n’est pas son désir, en refusant d’être mise au service de Dieu, de l’État, de la société, du mari, de la famille, etc. Et, enfin, en vivant une vie plus simple mais également plus profonde et plus riche. […] C’est cela seulement qui libérera la femme. »

Le 11 février1916, Emma Goldman est arrêtée et emprisonnée pour avoir distribué de la littérature sur la contraception.

 

Un peu plus près de nous, la féministe québécoise Idola St-Jean, exigeait, lors d‘un discours en 1937, la liberté nécessaire à l'individu femme. Elle déclarait :

« le féminisme n'est pas une rêverie d'utopiste, une boutade de cerveaux exaltés, c'est la revendication juste et légitime de la femme à ses droits d'être humain ». Elle soutenait que l’épanouissement du féminisme résidait dans : « une liberté nécessaire au plein développement de la personne, de la femme qui secoue des chaînes à jamais séculaires ». Elle ajoutait : « Le féminisme est bien le résultat de cette tendance de l'âme vers la liberté qui fortifie ceux qui la pratiquent, comme l'air ceux qui le respirent. »

De son côté, dans le cadre d’un colloque sur l’avortement en 1969, Lise Payette annonçait :

« Je vous parlerai de moi... et des autres femmes qui comme moi croient qu'elles sont lésées dans leur droit le plus légitime et le plus essentiel : celui de disposer de leurs propres corps, sans être jugées par qui que ce soit. (...) En tant que femme, je veux être propriétaire de mon corps. »

Tous ces propos nous rejoignent et sont porteurs de sens lorsque nous sommes femmes et que nous souhaitons la pleine liberté pour décider comment, où et avec qui accoucher ceci, en reconnaissance du principe fondamental que la grossesse et l’accouchement nous appartiennent.

 

La légalisation a permis la reconnaissance de la profession de sage-femme, elle a rendu leurs services plus accessibles et de ce fait, elle a permis à davantage de familles d’accueillir leur enfant naturellement et avec le soutien d’une professionnelle qui respecte leurs choix. C’est un acquis majeur dont il faut se réjouir. La réappropriation de la grossesse et de l’accouchement par les femmes a donc progressé, mais n’est pas encore chose totalement acquise et ceci a des incidences importantes sur les droits des femmes en regard de leur maternité.

 

• La lutte pour la reconnaissance des sages-femmes au Québec (1975-1999) [PDF]